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Solidarités Alimentaires

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Solidarités Alimentaires

Les formes émergentes de solidarité alimentaire

Le fait d’obtenir moins de ressources, d’être confiné ou de vivre seul a créé des problèmes physiques, de santé ou d’accès à alimentation. Par exemple, pendant les premières semaines de la crise sanitaire COVID-19, le peu d’informations sur la situation et l’incertitude sur le futur, ont engendré un manque de produits de base, comme les pâtes, la farine ou le riz. En même temps, cette crise a accéléré la précarisation dans le travail, la santé ou l’alimentation, cette dernière, par exemple, avec une augmentation des demandes d’aide alimentaire dans les Restos de Cœur, jusqu’à 30% selon Louis Cantuel. Au fur et à mesure que toutes ces informations sont apparues, différentes associations ont commencé à se mobiliser pour tenter de garantir un accès[1] à la nourriture pour les secteurs les plus touchés de la population. La Banque Alimentaire, par exemple, a appelé la population en général à poursuivre les actes de solidarité, car il est arrivé un moment où elle a été dépassée par les demandes. Au début, nous avons vu fleurir une nouvelle valeur de société, la solidarité, les gens débordaient de générosité pour aider ceux qui étaient en première ligne. En ce qui concerne la nourriture, de nombreux restaurants se sont mobilisés pour leur apporter de la nourriture (« Les chefs avec les soignants »), car les horaires à rallonge ne permettaient pas de faire une pause. Puis les histoires de personnes isolées ont commencé à émerger, en particulier les personnes âgées qui, étant confinées, n’avaient aucun autre moyen de contact. Des initiatives citoyennes spontanées entre voisins et avec des associations (« Toulouse Solidaires ») ont vu le jour pour faire les courses, aider à préparer les repas et même, dans la mesure du possible, essayer de manger ensemble (UNRPA de Paris).

L’aide alimentaire contribue à réduire le problème du manque d’accès économique et physique à la nourriture pour les personnes en situation de précarité. C’est une mesure efficace dans les situations d’urgence mais elle suit un processus très bureaucratique qui ne stimule pas l’autonomie de la personne. Au contraire, la solidarité alimentaire naît des citoyens pour essayer de donner accès à l’alimentation à tous. Le problème est que ces solidarités suivent le plus souvent le modèle traditionnel des initiatives d’aide alimentaire, où l’idée est d’offrir des denrées pour se nourrir mais sans prendre en compte les autres dimensions. Les solidarités alimentaires doivent être repensées en tenant compte aspects comme la dignité, c’est-à-dire que toutes les personnes aient la même possibilité de décider, par exemple, en leur donnant le pouvoir de choisir ce qu’elles souhaitent manger en fonction non seulement de leurs besoins mais aussi de leurs goûts, de leurs cultures. C’est ce changement qu’ont appelé de leurs vœux Dominique Paturel et Nicolas Bricas avant même la crise sanitaire. Dans cet article, je m’efforce donc de souligner quelques initiatives dans le domaine des solidarités alimentaires, qui ont récemment repensé le modèle d’aide alimentaire à partir du concept de dignité.

Offrir des produits de qualité

Depuis 2016, avec la loi de la lutte contre le gaspillage alimentaire, les grandes entreprises, en particulier les grandes surfaces, peuvent donner des produits qui sont sur le point d’expirer et les invendus à toutes les associations caritatives en bénéficiant d’une défiscalisation. Une action qui contribue à éviter le gaspillage alimentaire et permet à des personnes dans le besoin d’accéder à la nourriture, avec toutefois, par la force des choses, des produits proches de la date d’expiration et donc d’une qualité moindre. De nombreux agriculteurs et associations y ont pensé et ont commencé à offrir des paniers à des prix relativement bas, mais avec des produits bio, locaux et de saison. Un exemple en est la Corporation des Carabins, qui propose des paniers de fruits et légumes pour un maximum de 10 euros. De la même manière, différents supermarchés comme Leclerc ou Intermarché l’ont fait, sans que ce soient les produits invendus.

Donner le pouvoir de choix

Avec les surplus alimentaires, les personnes n’ont pas la possibilité de prendre leurs propres décisions sur ce qu’ils aimeraient consommer. Il faut rechercher des alternatives pour que les personnes en situation de précarité n’aient pas accès uniquement aux invendus. Après le premier confinement en 2020, de nombreux restaurants ont lancé des initiatives consistant à offrir leurs menus quotidiens à bas prix, donnant la possibilité aux gens de choisir ce qu’ils veulent manger. Des événements ont également été organisés où des restaurateurs se réunissent pour offrir gratuitement ce qu’ils cuisinent, un exemple étant le « Take Away Challenge » organisé à Toulouse par Connexion Live, En Boîte Le Plat et le Café Restaurant La Maison, qui a réuni pendant une semaine différents chefs pour cuisiner de manière solidaire, notamment en faveur des étudiants en difficulté financière et sociale.

Renforcer l’inclusion

Bien souvent, les initiatives citoyennes requièrent des justificatifs attestant que la personne se trouve en situation de précarité. Ce processus est compréhensible car il sert à suivre la personne et à éviter les escroqueries, même si cela peut affecter la personne car en plus d’avoir le souci de se nourrir, il ajoute le stress lié au contrôle de sa situation. Partant de ce constat, certains acteurs considèrent que les actes de solidarité alimentaire devraient être offerts à tous ceux qui en ont besoin sans qu’ils aient à justifier leur situation. Ils doivent également permettre à la personne de se réinsérer peu à peu dans la société, sans être étiquetée comme précaire. Un événement intéressant a été organisé il y a quelques jours par le restaurant Milord, qui a réalisé le plus grand tiramisu de Paris et l’a distribué à tous ceux qui le désirent. Dans un premier temps pour éviter les foules, une inscription en ligne était demandée, mais plus tard dans la journée, le restaurant a offert une part de tiramisu à tous ceux qui arrivaient au restaurant jusqu’à ce que ce soit fini.

Eviter les longues files d’attente

Un autre élément à repenser sont les files et les heures d’attente pour obtenir la nourriture, et de plus il peut parfois être difficile d’atteindre le lieu de distribution. A ce sujet, il y a eu des initiatives qui ont fait appel à la livraison à domicile, par exemple le projet « Huacal » de Tierra Adentro au Mexique. À l’origine, il s’agissait de créer un panier de fruits et légumes achetés directement au marché, pour les vendre et les distribuer chaque week-end, soit dans le restaurant, soit directement à la maison. Au fur et à mesure de la crise, le projet a évolué et a commencé à donner un certain nombre de « huacales » aux personnes touchées, par exemple celles qui avaient perdu leur emploi ou les mères célibataires. Il n’était pas nécessaire de vérifier la situation, simplement d’arriver au restaurant et de le demander. L’initiative a été reproduite dans d’autres villes comme Veracruz, Sinaloa et Oaxaca, où tous les dimanches une livraison de paniers était organisée pour toucher les communautés les plus éloignées du centre-ville.

Les valeurs de société, comme la solidarité, qui ont émergé et se sont développées depuis le début de la crise nous ont permis d’avancer et de générer progressivement des alternatives qui nous aident à améliorer les dispositifs de solidarité alimentaire.

Références 

Paturel Dominique et Bricas Nicolas, Pour une réforme de nos solidarités alimentaires, So What N° 9, France, 2020. En ligne : https://www.chaireunesco-adm.com/No9-Pour-une-reforme-de-nos-solidarites-alimentaires-470 Guedj Jérôme, Lutter contre l’isolement des personnes âgées et fragiles isolées en période de confinement, France, mars 2020. En ligne : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_no1_j._guedj_-_05042020.pdf


[1] Il est important de souligner que l’accès à la nourriture ne s’agit pas seulement d’une dimension physique (avoir l’espace et les capacités pour la produire soi-même ou avoir ce qui est considéré comme « comestible » à proximité) ou économique (avoir l’argent pour pouvoir les acheter) mais il comprend aussi l’enjeu de l’éducation (avoir l’information nécessaire pour les consommer, connaître les saisons, lire les étiquettes, reconnaître les marqueurs de qualité…).

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