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La vraie valeur du numérique

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La vraie valeur du numérique

Le numérique, une nouvelle ère

Le début du XXIème siècle est marqué par le développement du numérique à l’échelle mondiale. En France notamment, il s’infiltre de manière croissante dans nos vies de façon linéaire. Certaines entreprises par exemple, ont rapidement compris l’intérêt d’opérer une transition numérique pour rester compétitives.

On qualifie de « numérique », au sens littéral, une information qui peut se représenter sous forme de nombre. Cependant aujourd’hui, l’ère numérique caractérise un ensemble de pratiques qui rythment notre quotidien, relatives aux technologiques de l’information et de la communication. Ordinateurs, Internet, écrans, etc… : au-delà de l’aspect technique, ces objets ont apporté des changements culturels sans précédent, symbolisant la modernité. Le processus de numérisation, évoque justement le basculement vers cette ère.

Le numérique en hausse pendant le confinement

La crise sanitaire liée à la Covid-19 a marqué un point de bascule dans le rapport qu’entretient la société française au numérique. Pendant le premier confinement, nous avons fait l’expérience du numérique en tant que nécessité. Les chiffres sont éloquents, puisqu’Orange affirme par exemple que le trafic sur internet a augmenté d’environ 30%[1] au cours de cette période. L’exigence de distanciation sociale nous a obligé à modifier la forme de l’interaction sociale. Cette « nécessité », évoquée précédemment, s’illustre notamment par le fait que les entreprises en retard sur la transition numérique se sont retrouvées en difficulté. Si les grands groupes ont en moyenne su s’adapter plus rapidement, les petites et moyennes entreprises (PME) ont le plus souffert, selon un rapport déposé par Pascal Gruny au Sénat[2]. Par ailleurs, le premier confinement a forcé le système éducatif français à chercher des solutions pour subsister, et celles-ci ont été essentiellement trouvées grâce aux outils numériques. Malgré les difficultés que ces choix ont soulevé, le digital a permis de limiter les dommages. Les cours en visio-conférence notamment, se sont dans une certaine mesure révélés performants et efficaces. C’est principalement à partir de l’enseignement secondaire que ces dispositifs ont été déployés, même si des disparités liées aux différences de moyens financiers entre les établissements ont été rapportées. Cette précipitation vers les plateformes de visio-conférence peut être mesurée par l’étude des chiffres de la plus célèbre d’entre-elle. Sur le deuxième trimestre de 2020, Zoom a réalisé un chiffre d’affaires 4 fois supérieur[3] au même trimestre de l’année précédente.

Les loisirs, eux-aussi, ont pris le tournant radical du numérique pendant le premier confinement. Les chiffres montrent même qu’en France, la consommation du contenu sur les plateformes de streaming et de jeux-vidéos, a connu une hausse plus importante que celle de l’utilisation de la visio-conférence[4]. Le digital a permis pendant le premier confinement de divertir, et fait partie des facteurs décisifs ayant permis de « tenir ».

Le numérique, donc, s’impose de manière croissante dans la vie quotidienne. Devenu incontournable dans certains domaines, il génère une quantité importante d’interrogations, et suscite la critique. L’humanité, tout en présentant le numérique comme un facteur de modernité permettant de répondre à l’ensemble de ses problèmes, se préoccupe de plus en plus, dans le même temps, des conséquences négatives qu’il provoque. Ainsi, il nous a semblé pertinent d’évaluer la vraie valeur du numérique. Dans cette évaluation, l’objectif va consister à saisir l’essence de la tension existante entre la satisfaction globale produite, et son coût environnemental, social, et économique.

Le numérique face aux enjeux environnementaux : solution ou pollution ?

Une pollution numérique en augmentation

En hausse continue depuis ces dernières décennies, le numérique engendre une pollution croissante. Durant le premier confinement, cette dernière a même augmenté de 35% à 60% dans les pays européens, principalement en raison des achats d’appareils électroniques. Dans un contexte dans lequel l’outil numérique est de plus en plus présent dans nos vies et où la 5G tend à se déployer dans le monde, les questions liées au coût environnemental du numérique émergent abondamment dans l’espace public.

Aujourd’hui, la pollution liée au numérique est d’environ 5% de la pollution totale en France, selon Le collectif d’experts indépendants Green IT[5], soit presque l’équivalent de celle produite par le trafic aérien. Celle-ci comprend le coût carbone de la production du matériel, le coût de fonctionnement énergétique des datacenters, ainsi que l’énergie nécessaire au fonctionnement des produits eux-mêmes et leur traitement une fois devenus obsolètes. Toutefois, ce même collectif déclare que les prévisions sont alarmantes, car ce secteur pourrait être à l’origine de 8% des gaz à effet de serre d’ici 2025, se rapprochant du secteur automobile.

Effet contre-intuitif : la dématérialisation dans le monde professionnel conduit à accroître la pollution

D’aucuns estiment que le numérique ne permet en aucun cas de réduire la pollution, et qu’elle ne fait qu’en engendrer davantage. En effet, la dématérialisation conduit souvent à émettre plus de CO2. Par exemple, le fait d’utiliser moins de papier dans le secteur professionnel, pollue en réalité bien plus, en raison du coût écologique des mails. Le Figaro[6]a notamment calculé en 2019 qu’en moyenne, une entreprise de 100 personnes émettait une quantité de mails équivalente au coût carbone de 13 allers-retours Paris-New-York en avion. Greenpeace[7]estime par ailleurs que la simple production d’un écran d’ordinateur moyen, exige d’extraire 2,5 tonnes de matières premières, et génère 350 Kg de CO2, soit autant qu’un aller-retour Paris-Nice en avion.

Des alternatives à la pollution numérique ?

Bien que le coût environnemental du numérique soit aujourd’hui conséquent, il existe néanmoins des alternatives ambitieuses, s’inscrivant dans le domaine du développement durable. Pour l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie[8], le numérique doit prendre le tournant de l’écoconception, qu’elle définit comme la volonté de recourir « aussi peu que possible aux ressources non renouvelables en leur préférant l’utilisation de ressources renouvelables, exploitées en respectant leur taux de renouvellement et associées à une valorisation des déchets qui favorise le réemploi, la réparation et le recyclage ». Dans la lignée des nombreuses controverses ayant fait suite aux révélations de l’obsolescence programmée, certains Etats ont pris des mesures législatives sur ce plan. En France notamment, une loi a été votée en 2015[9], réduisant fortement ses possibilités d’existence. Dans ce contexte, l’entreprise Backmarket, leader des produits reconditionnés dans le domaine du numérique, apporte une propose de réduire la surconsommation de produits polluants neufs.

Le numérique : facteur d’innovation dans le domaine environnemental

Si nous nous sommes concentrés jusqu’à présent sur le coût environnemental du numérique, notons qu’il est par ailleurs essentiel de souligner les avantages qu’il engendre, dans l’objectif d’évaluer sa valeur. L’évolution croissante du numérique favorise l’innovation de manière conséquente, à l’image de ce que proposent les startups. Le Robert définit cet anglicisme comme décrivant une « jeune entreprise novatrice dans le secteur des nouvelles technologies, sur Internet ». Or, les startups jouent un rôle décisif dans la transition écologique, et permettent d’amorcer le changement à travers une innovation ambitieuse. L’exemple de Too good to go est éloquent, puisque, présente dans plusieurs pays européens et aux Etats-Unis[10], cette entreprise créée en 2015 qui tend à réduire le gaspillage alimentaire existe et croît grâce au numérique. La pollution évitée par ce type d’innovation est toutefois compliquée à évaluer, et c’est notamment pour cette raison que la valeur environnementale n’est pas précisément chiffrable. De la même manière, l’innovation vertueuse pour la planète se transmet plus rapidement à l’échelle mondiale grâce aux réseaux sociaux, mais il semble impossible d’évaluer la réduction du coût carbone permise par un transfert d’information plus rapide. Notons cependant que l’application Too good to go, s’est largement servie des réseaux sociaux pour se développer.

Le « business à distance » permet d’éviter certains trajets coûteux sur le plan carbone

Au-delà de permettre une innovation au bénéfice des enjeux écologiques, le numérique permet aussi de limiter des trajets coûteux sur le plan carbone. Dans le domaine professionnel, la visio-conférence a une importance majeure, puisqu’elle est une alternative aux trajets, notamment en avion. Les entreprises ont compris qu’aujourd’hui, il est possible d’avoir des interactions d’une qualité relativement similaire à la réalité, tout en réduisant son coût économique, et donc in fine écologique. C’est d’ailleurs le premier confinement qui a en partie produit ce déclic, car c’est là selon Jean-Pierre Mas, président du syndicat professionnel des entreprises du voyage (EDV), que « les entreprises se sont rendues compte que l’on pouvait faire du business à distance »[11]. Les logiciels, tels que Zoom ou Microsoft Teams par exemple, exigent un coût énergétique dérisoire, en comparaison avec un aller-retour Paris-New-York, qui produit 1 tonne de CO2 par personne[12].

Utilisée à des fins écologiques vertueuses, l’intelligence artificielle qui s’inscrit pleinement dans le domaine du numérique, peut également avoir un rôle décisif dans la transition écologique. Partons d’un concept innovant, qui est celui de la serre intelligente commercialisée notamment par MyFood[13]. Celle-ci propose à quiconque le souhaite de produire ses propres aliments, sans expérience ou savoir-faire nécessaire. Elle a élaboré une serre autogérée, et connectée à une application qui optimise l’énergie, économisant 80% d’eau par rapport au jardinage classique. Par ailleurs, cette technologie propose une alternative à l’agro-industrie polluante, en favorisant la consommation alimentaire locale et saine. Ce projet « foodtech » implique deux techniques de culture écologique, qui sont l’aquaponie, et la bioponie. La première permet à la serre de fonctionner sans aucun arrosage, et la seconde d’optimiser l’écosystème comme en permaculture.

Le numérique, un facteur décisif sur le plan économique

Le numérique et la création de valeur économique

Pour une entreprise, le numérique est synonyme de gain de temps et d’une efficience transversale accrue : prospection, communication et marketing, sourcing/achats, production, logistique, finances, services administratives… Grâce au numérique l’entreprise fait plus avec moins, touche son cœur de cible plus facilement, ou noue des partenariats inimaginables hier. En raccourcissant la chaîne de décision, le numérique accélère le temps et réduit les espaces physiques, offrant de nouvelles façons de vendre : accéder à de nouveaux marchés et clients (via des réseaux tels Instagram ou TikTok), travailler hors des frontières physiques et avoir une vitrine ouverte 24/7.

Economiquement, chaque membre d’un réseau social ou individu rejoignant une plateforme numérique représente un coût incrémental nul pour le réseau ou la plateforme. Mais chaque nouveau membre gagne grandement, ayant maintenant accès à de nouveaux contacts, ou pouvant être lui-même contacté par de nouvelles personnes offrant de nouvelles opportunités. Les chaînes de valeur verticales ou horizontales se transforment en boucles de valeur où les entreprises se battent POUR le marché au lieu de se battre pour une place SUR le marché. C’est le WINNER-TAKES-ALL. Une fois la croissance entamée, elle devient vertueuse avec un effet boule de neige. (Exemple Apple a mis 38 ans pour atteindre en premier la valeur boursière de mille milliards de dollars et deux petites années pour afficher deux mille milliards).

Pour se différencier, l’entreprise doit innover et/ou créer de nouveaux modèles d’affaires. Par exemple :

  • Le social shopping mélangeant l’e-commerce et le jeu où les influenceurs vendent en temps réel
  • La gratuité d’un jeu pour avoir la plus grande base possible de joueurs et qui réaliseront des micro-achats récurrents au sein du jeu. Cette gratuité, versus le modèle payant, donnera lieu à un chiffre d’affaires bien plus important qu’un jeu acheté une seule fois. Le modèle payant, a été remplacé par un modèle mixte, gratuit et payant, pour aboutir à un modèle complètement gratuit avec des achats spontanés. 

Les marques se muent : s’appelant « natives numériques », pour souvent ne vendre qu’un seul produit et ou marque et produit partagent le même nom : TEDIBER ou GLOSSIER. Et Internet leur permet de tester rapidement et sans trop de dépenses si un produit ou un service trouvera son public. Mais, elle leur demande aussi plus de créativité pour se démarquer.

Le raisonnement économique « un à plusieurs » perdure, mais l’avantage du numérique est la pertinence et la personnalisation du message. La montée des influenceurs a également permis de créer des « relations personnelles » entre influenceurs et leurs followers. On construit d’abord une relation, on vend après.

Comme dans le monde physique, le monde virtuel détruit la valeur économique

Les barrières virtuelles deviennent physiques : la Russie érige le Ru.net, la Chine a répliqué sa muraille… en feu (The Great Chinese Firewall) pour y interdire l’Occident et maîtriser l’information. L’Inde banni des centaines d’applications chinoises, dont TikTok, le seul produit numérique Chinois à connaître un succès mondial dans un temps record. 

Comme dans le vie physique, Internet a son pendant obscur : le Dark Net. On y achète des produits illicites, payables en bitcoin pour ne tracer ni son identité ni son adresse Internet, grâce à Bit Torrent. La fraude publicitaire virtuelle est la deuxième industrie touchée par le crime, affichant des pertes de $35 milliards pour 2020[14] comprenant de faux sites, de fausses publicités, des sites empilés empêchant la publicité d’être vue, sans parler du cybercrime avec vol d’identité personnelle, de cartes de crédit ou de données personnelles y compris des données de santé. Et sur le fond, même avec le numérique nous n’avons toujours pas dépassé la fameuse phrase de John Wanamaker : « Je sais que la moitié de mes investissements publicitaires est dépensée en pures pertes ; le problème, c’est que je ne sais pas laquelle. » Dans le monde virtuel, on investit plus en dépenses marketing avec plus intermédiaires et la numérisation le rend encore plus occulte.

L’information a toujours été clé, mais avec le numérique et le Big Data, la donnée devient un vrai enjeu. Il suffit d’utiliser un moteur de recherche qui tente de concurrencer Google (Qwant, DuckDuckGo, Ecosia…) pour comprendre la profondeur des réponses à nos requêtes entre Google et ses aspirants. La régulation pourrait obliger les plateformes leaders à partager leurs données comme remède concurrentielle pour rééquilibrer le paysage.

Se positionnant comme défenseur de la vie privée des utilisateurs de ses produits, Apple transforme le respect de la vie privée en argument de vente. Les utilisateurs devront bientôt décider s’ils souhaitent que leurs informations soient partagées ou pas avec des tiers, notamment Facebook. Les petits entrepreneurs qui achètent de la publicité sur Facebook, peuvent bien cibler leurs publicités avec ces données tierces. Ils pourraient beaucoup perdre, car obligés de ratisser plus large et donc de dépenser plus.

La puissance financière des dix grandes plateformes numériques les placerait au 3ème rang de puissance financière mondiale.

Des liens sociaux numériques : fake ou réel ?

Une vie sociale augmentée – le monde au bout des doigts !

Grâce au numérique nous pouvons accéder à des documents, images, podcast, vidéos dans toutes les langues et sur tous les sujets. Il est par exemple possible d’apercevoir l’Ever Given coincé dans le canal de Suez en temps réel. Cet accès à la connaissance nous relie à la culture, aux tutoriels, aux cours en ligne (et avec une traduction possible). On peut retrouver les siens ou rejoindre des communautés – ceux qui nous ressemblent – pour partager. Déclarer ses impôts, réserver ses vacances, dénicher une veste à un prix abordable, ou réaliser une recette avec une vidéo. Que dire du fait qu’un abonnement mensuel avec un choix illimité de musique, livres, cinéma ou série coûte le prix d’une entrée au musée ou une place de cinéma ?

Les distances ne sont plus, car les mails, Skype, Zoom, Google Meet, Teams ou autres les écrasent. On communique à tous azimuts ! La demande d’ordinateurs a cru de 50% en 2020, et il est aujourd’hui difficile de nous en passer.

La numérisation de notre vie sociale marque-t-elle la fin des vraies relations ?

Que feront ceux qui n’ont pas accès à l’Internet et au numérique ? Sans connexion réseau pour des questions de moyens financiers ou implantation géographique ? Comment s’assurer qu’ils soient inclus ? En 1991, lorsque l’Estonie est devenue indépendante, la décision de numériser le pays a été actée. Tout une entre-aide s’est créée, relayée par les écoles et les bibliothèques, pour s’assurer que tous aient accès aux services administratifs numériques. Certes, l’Estonie est un petit pays. Mais qui a rêvé grand. Et qui a réussi. Une leçon de vie, de transfert de connaissances, de socialisation et de partage.

Car le revers de la médaille se trouve bien dans la socialisation et le partage. Avec moins de rencontres physiques et reliés aux autres principalement par des écrans, nos rapports deviendront-ils plus impersonnels ? La crise du COVID-19 et son confinement avec moins de relations sociales physiques prouvent que l’homme demeure un être social, où les relations physiques avec les autres priment. Avons-nous envie de dépendre du Big Tech ? De subir leurs effets néfastes sur notre imagination, de l’appauvrissement de notre pensée et de créativité où tout discours devient commercial dans le but de nous convertir pour que nous sortons notre portefeuille. Une étude Microsoft sur 30,00 personnes dans 31 pays montre que professionnellement nos réseaux se sont rétrécis, compromettant le lien social et l’innovation, pourtant depuis février 2020 le temps de réunion sur Teams a cru de 148% [15]!

Etude de cas : « l’apéro zoom », ou l’apéritif digitalisé

L’apéritif est un moment de consommation alimentaire plus que jamais plébiscité par les Français[16]. Avec la pandémie, la fermeture des lieux de convivialité et les nécessaires mesures de distanciation physique, on a assisté à une digitalisation de l’apéritif à travers ce qu’on a appelé les « apéros zoom » ou « coronapéros[17] ».

Quelle est la vraie valeur des « apéros zoom » comparativement aux apéritifs commensaux, qui réunissent les convives en un même lieu physique ? Quels sont les impacts à court terme et à long terme de la digitalisation de l’apéritif ?

Un double bingo du point de vue économique

D’abord, le besoin de convivialité dans un contexte de distanciation physique est un puissant levier de digitalisation des individus : que ce soit par skype, houseparty, zoom bien sûr ! y compris des cibles habituellement éloignées du numérique (on peut penser aux personnes âgées) se sont équipées et formées. Il y a fort à parier que cette digitalisation aura des retombées économiques positives dans la productivité des personnes et dans la réduction du coût d’accès à l’information, aux biens et aux services, y compris administratifs.

De plus, l’apéro zoom est plus égalitaire dans la mesure où la charge financière est répartie entre tous les convives : chacun choisit les denrées de son choix et en assume le coût. Même en cas d’apéritif dit « participatif », où les convives prennent en charge une partie des denrées alimentaires, l’organisateur contribue souvent plus que la moyenne. Avec l’apéro zoom, ce n’est pas le cas et chacun devient pleinement responsable de sa consommation.

Du point de vue des coûts, l’apéro zoom représente un véritable avantage : le coût total d’un apéritif maison, et a fortiori d’un apéro zoom, est probablement moins élevé qu’un apéritif pris à l’extérieur (bar, restaurant). Et parce qu’il est numérique et non physique, il est moins consommateur en temps de transport et d’organisation que l’apéritif commensal : ce qui permet de dégager du temps dédié aux autres activités personnelles, voire aux activités professionnelles ? 

Des avantages du point de vue environnemental

La fonction première de la digitalisation de l’apéritif est bien sûr le respect des gestes barrières qui permet d’éviter la diffusion du virus, fonction d’autant plus appréciée que l’on est confiné auprès de ceux que l’on aime le plus.

L’expérience de l’apéro zoom est moins gourmande en carbone que l’apéritif commensal qui nécessite de se déplacer. Comme évoqué précédemment, le coût énergétique de l’appel vidéo est dérisoire, si on le compare à un trajet effectué avec un véhicule motorisé.

Mais du point de vue social, le bilan est plus contrasté

Rappelons tout d’abord que l’apéro zoom est a priori une expérience exceptionnelle qui a pris son essor dans une situation de fortes contraintes liées à la crise pandémique. La comparaison entre l’apéro zoom et l’apéritif commensal ne tient donc pas complètement dans la mesure où l’alternative consiste plutôt en l’absence totale d’apéritif. Toutefois, nous avons voulu travailler sur cette comparaison afin de mesurer l’impact possible d’un changement inscrit sur le long terme.

Du point de vue du lien social, l’apéro zoom présente d’abord des avantages.

  • Lutte contre l’isolement dans une situation contrainte (pandémie, confinement…)
  • Permet de vivre un apéritif avec des personnes éloignées – parfois à l’autre bout du monde
  • Chacun peut choisir ce qu’il mange ce qui correspond à une aspiration croissante à la personnalisation en matière d’alimentation. Cela peut offrir d’ailleurs de jolis sujets de conversation autour des ingrédients choisis par chacun.
  • On s’écoute plus ! autour d’une table virtuelle dans la mesure où chacun prend la parole à tour de rôle

Il faut toutefois noter des sources de pertes de satisfaction :

  • L’apéro zoom ne remplace pas complètement une rencontre conviviale physique. La commensalité mobilise des sensations qui sont importantes pour l’être humain que l’apéro zoom ne mobilise pas (le toucher, la vue, l’ouïe, l’odorat).
  • L’apéro zoom, on ne mange pas tous la même chose au même moment ce qui nous prive de discussions liées à la dégustation commune et de la formation d’un goût commun.
  • Les discussions sont enfin moins naturelles que lors d’événements conviviaux classiques car il n’est pas possible ou pas facile de créer des sous-discussions en petits groupes ou de pratiquer l’aparté.

Enfin, l’apéro zoom présente des regains de coûts importants :

  • Il s’agit d’une convivialité d’exception qui, sur le court terme, favorise une montée de l’alcoolisme, et sur le moyen et le long terme, rend plus acceptable une pratique de l’alcoolisme solitaire[18][19]
  • L’équilibre vie professionnelle / vie personnelle est entamé en raison de la sur-connexion et de l’utilisation courante de plateformes technologiques communes comme la visio-conférence, l’usage d’un ordinateur unique…[20]
  • Enfin, nous pouvons nous questionner : l’accès plus facile à l’apéritif (gain de temps, gain financier) ne favorise-t-il pas une surconsommation inutile ?

Cette analyse nous semble démontrer l’intérêt de revenir, sur le moyen et le long terme, à des formes de convivialité plus commensales tout en continuant à bénéficier, lorsque cela est possible, des avantages que présente l’apéro zoom du point de vue économique et environnemental. Un champ de réflexion consiste aussi selon nous à perfectionner les plateformes technologiques pour permettre encore plus d’interactions et de convivialité numérique lors des apéros zoom du futur.

Conclusion

Ainsi, nous ne pouvons que remarquer la complexité des enjeux liés à la question du numérique, tant son importance au sein de nos vies est conséquente. Il semble évident qu’il est impossible de tenir une position absolutiste, considérant le numérique comme un objet à adopter sans méfiance, ou à l’inverse à bannir complétement. Par ailleurs, remarquons que son caractère récent implique encore un manque de connaissance sur certaines questions. Par exemple, nous avons vu dans le domaine environnemental que les données chiffrées n’étaient parfois que des estimations. A l’avenir, il ne fait aucun doute que les progrès technologiques, ainsi que l’accroissement des études scientifiques au sujet du numérique, devraient aider à saisir davantage encore la valeur du numérique, et à établir une position moins nuancée sur la conclusion de l’évaluation.


[1] Orange, 2020. URL : https://finance.orange.fr/actualite-eco/article/confinement-le-trafic-internet-en-hausse-de-30-en-france-CNT000001qkqB0.html

[2] Sénat, 2019. URL : https://www.senat.fr/notice-rapport/2018/r18-635-notice.html

[3] Siècle Digital, 2020. URL : https://siecledigital.fr/2020/09/04/record-zoom-voit-son-chiffre-daffaires-quadrupler-grace-a-lexplosion-du-teletravail/

[4] OCDE, 2020. URL : https://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/maintenir-l-acces-a-l-internet-en-temps-de-crise-3cd99153/

[5] France Inter, 2020. URL: https://www.franceinter.fr/environnement/trop-d-appareils-qu-on-abandonne-trop-vite-des-experts-alertent-sur-la-pollution-numerique

[6] Le Figaro, 2019. URL : https://www.lefigaro.fr/decideurs/un-mail-est-aussi-energivore-qu-une-ampoule-allumee-toute-la-journee-20190516

[7] Greenpeace. URL: https://www.greenpeace.fr/la-pollution-numerique/

[8] Wikipedia. URL: https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89coconception#:~:text=L’%C3%A9coconception%20est%20un%20terme,de%20ressources%20renouvelables%2C%20exploit%C3%A9es%20en

[9] Litige.fr. URL : https://www.litige.fr/articles/obsolescence-programmee-produits#:~:text=Une%20l%C3%A9gislation%20r%C3%A9cente,d%C3%A9finition%20de%20l’obsolescence%20programm%C3%A9e.

[10] La tribune. URL : https://www.latribune.fr/technos-medias/apres-l-europe-too-good-to-go-se-lance-a-la-conquete-de-l-amerique-856877.html

[11] L’Opinion, 2021. URL: https://www.lopinion.fr/edition/economie/aviation-baisse-voyages-d-affaires-aura-peu-d-impact-climat-241293

[12] Futura Sciences, 2004. URL : https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/terre-paris-new-york-aller-retour-tonne-co2-passager-4961/

[13] ParisMatch, 2020. URL: https://www.parismatch.com/Vivre/High-Tech/L-autonomie-alimentaire-grace-a-une-serre-intelligente-1713401

[14] https://which-50.com/cost-of-digital-ad-fraud-will-rise-to-35-billion-globally-in-2020-cheq-report/#:~:text=Subscribe-

[15] Work Trend Index: Microsoft’s latest research on the ways we work.

[16] https://www.atabula.com/2018/04/09/laperitif-sollicite-pour-sa-convivialite-en-france/

[17] https://www.leparisien.fr/societe/coronavirus-pendant-le-confinement-c-est-apero-skype-19-03-2020-8283831.php

[18] https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/18/skypero-coronanniversaire-l-art-de-boire-des-coups-en-restant-chez-soi_6033570_3224.html

[19] https://www.nouvelobs.com/nos-vies-intimes/20200408.OBS27238/s-il-n-est-pas-possible-de-faire-un-skype-apero-sans-alcool-par-semaine-cela-doit-peut-etre-vous-interpeller.html

[20] https://www.vice.com/fr/article/z3eey9/apero-zoom-pire-invention-du-confinement

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