« Santé », « environnement » et « origine des produits »
Si l’on vous demandait de choisir parmi 3 menus de ce type, lequel aurait votre préférence ?
Choisir parmi 3 menus
Une étude réalisée par Mohamed Merdji (Audencia) avec le concourt de l’Inrae et de Bleu Blanc Cœur a testé en conditions réelles dans un restaurant d’entreprise, la réception des messages associés à ces trois types de menus. Les convives de ce restaurant étaient libres choisir un des 3 menus ou uniquement des composantes de ces menus qui étaient proposées à des prix différents. 252 personnes ont accepté de participer à cette étude pendant 2 semaines. Leurs consommations ont été analysées grâce au ticket de caisse de leur repas. Un questionnaire leur a été administré à la fin de l’expérimentation et des entretiens ont été réalisés auprès de 20 personnes représentatives du panel.
Le menu « santé » étiqueté comme bon pour la santé a été élaboré selon les recommandations du PNNS (Plan National Nutrition Santé). Il changeait tous les jours et le prix était aligné sur le prix optimisé du menu conseillé, habituellement proposé dans ce restaurant d’entreprise. Aucun changement d’habitude n’était demandé ici, puisque les aliments qui ont servis à élaborer ce menu étaient les mêmes que ceux utilisés pour le menu conseillé. On demandait seulement aux participants de songer à leur santé sans modifier leurs habitudes. Deux messages étaient associés à ce menu :
- Ce menu a été élaboré selon les recommandations du PNNS
- Ce menu vous apporte 40% des apports nutritionnels conseillés par jour
Avec le menu « environnement », on demandait aux participants de modifier leurs habitudes alimentaires car ce menu était exclusivement végétarien. Il était dénommé comme bon pour la planète et proposé avec un prix inférieur au menu conseillé. Il portait l’information suivante :
- Menu à faible impact carbone
Le menu « filière » était composé de produits animaux carnés (porc, volaille, bœuf et charcuterie), mais aussi d’œufs et produits laitiers, issus de la filière Bleu Blanc Cœur qui permet d’enrichir naturellement les produits animaux en oméga 3. Un menu identique dont les composantes étaient étiquetées simplement « Origine France » était proposé en même temps et 10% moins cher. Les messages associés étaient centrés sur les producteurs avec des informations sur le lieu, mais aussi le mode de production qui permet d’obtenir des produits nutritionnellement et écologiquement optimisés. Avec la photo, il donnait l’information du nom et département du producteur selon les exemples suivants :
- Mr X (département Y) nourrit ses animaux avec de l’herbe, de la luzerne, des graines de lin et de lupin naturellement riches en Oméga 3
- Le Fromage ou le yaourt de Mme Z (département W) a été́ fabriqué à partir du lait de vaches qui ont été́ nourries avec de l’herbe, de la luzerne, des graines de lin naturellement riches en Oméga 3
Pas de changement d’habitude, mais…
Lors de cette enquête, il n’y a pas eu de changement dans la composition des plateaux repas. Les personnes ont choisi les mêmes plats que d’habitude en dépit des messages qui les invitaient à choisir des plats plus sains et/ou plus vertueux pour la planète. Il n’y a aucune différence selon les caractéristiques sociodémographiques des participants (âge, sexe, catégorie socioprofessionnelle, etc.). Mais, les convives qui ont choisi des plats avec de la viande ont préféré très majoritairement les plats « filière » plutôt que le même plat avec la seule mention « origine France », et ce malgré le surcoût de 10% (figure 1).
Des perceptions très contrastées
Voilà pour les faits, côté perceptions, la préférence va très nettement vers le menu « filière » malgré un surcoût de 10% et ce pour 3 raisons :
- Hédonique et environnementale : c’est le menu qui est perçu comme ayant les meilleures qualités gustatives et le meilleur impact environnemental,
- Santé : un enrichissement naturel en acides gras oméga 3 est beaucoup mieux compris qu’une communication basée sur la composition nutritionnelle,
- Sociétale et éthique : le fait de payer un surcoût permet d’exprimer son attachement à un mode de production et sa solidarité envers les producteurs.
Les questionnaires et entretiens nous permettent de comprendre pourquoi les menus « santé » et « environnement » ont été moins bien perçus.
Le menu « santé » a été perçu comme fade, avec peu de goût et associé à l’image d’un régime contraignant. De plus, il ressortait que ce message a généré de la défiance à l’égard de la « moral alimentaire » qui le sous-tend comme le montre ce verbatim « On sait tous ce qu’il faut faire pour être en bonne santé, ce message-là, je ne l’aime pas, c’est moralisateur. ». Ce type de message induit souvent de l’incompréhension, mais aussi de l’indifférence voire du sarcasme.
Avec le menu « environnement », le message était plutôt bien compris et emportait une bonne adhésion mais n’a pas abouti à un changement d’habitude. Le menu végétarien sans protéine animale était perçu comme monotone, peu nourrissant et fade. Il obligeait à choisir entre le plaisir et la planète. Ce qui est intéressant ici, c’est que les perceptions des convives étaient très marquées par l’image des circuits courts et du bio alors que ces notions n’étaient pas évoquées dans la communication associée à ce menu. Ces notions sont beaucoup plus faciles à appréhender que l’impact carbone qui était considéré comme peu explicite, difficile à conceptualiser.
Faire référence à la santé est contreproductif en alimentation
Cette étude nous montre une nouvelle fois que faire référence à la santé est contreproductif en alimentation. Non seulement, cela ne fait pas changer les habitudes des mangeurs mais ils se sentent, jugés, infantilisés par un discours vécu comme moralisateur. Le discours environnemental est mieux compris et accepté, mais celui qui empote tous les suffrages est celui qui personnalise l’alimentation. Le fait de savoir que c’est Mme X qui a produit ce fromage change tellement la perception que les convives sont prêts à payer un peu plus cher pour soutenir Mme X.
Pourquoi ne pas utiliser cet intérêt pour promouvoir les fruits et légumes sans faire référence à la santé ? Le plus important est que les gens en consomment d’avantage et peu importe pour quelle raison !
Source : Mohamed Merdji, Emmanuelle Certenais, Guillaume Mairesse, Nathalie Kerhoas, Jacques Mourot, Jean-Yves Dourmad. Perceptions des messages associés à trois menus tests servis en restauration collective : santé, environnement et filière. Cahiers de nutrition et de diététique (2019) 54, 230-239.
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