L’entreprise colonisée par la finance et le monde colonisé par l’entreprise.
Nous savons – depuis Platon au moins – ce qu’est l’œuvre colonisatrice. Lorsqu’un pays en colonise un autre c’est parce qu’il ne veut pas, ou ne peut pas, voir les troubles qui vivent à l’intérieur de son être et alors il les projette vers l’extérieur.
Ce qui se passe ici d’ailleurs dans le domaine politique, se traduit aussi souvent dans le monde de la psychologie. Nous le savons notamment avec cette nouvelle pathologie mise en évidence par PC Racamier et qui est la perversion narcissique. Le pervers narcissique est un être vide qui cherche à combler son vide en captant toutes les richesses intérieures de sa victime qu’il a soigneusement et préalablement envouté, charmé, séduit par diverses logiques qui s’apparentent à des formes d’escroquerie morale.
Loin de nous l’idée de dire ici que ces pratiques seraient à l’œuvre dans le monde de l’entreprise. Il ne s’agit pas exactement de dire cela. Ce que nous voulons dire c’est ici simplement que lorsque je me porte à l’extérieur de manière violente c’est souvent parce que je refuse de régler en moi une crise profonde qui m’inquiète. La colonisation de l’autre est une forme de fuite et de sauve qui peut de ce qui est trouble en moi.
Or – et je ne suis pas le seul à le dire, nombre de mes amis qui vivent dans le monde l’entreprise me le confirment mais aussi les statistiques et la réalité le prouvent – le monde de l’entreprise vit à l’heure de la colonisation, sous ses airs de recherche de nouvelles formes de management, sous ses dehors parfois sensibles à la détresse et au bien-être du salarié et du client. Cette colonisation est le fait d’une de ses composantes – importante certes mais pas exclusive – à savoir la partie financière.
La partie financière de l’entreprise a bien colonisé les autres parties qui composent ce bel ensemble qu’elle constitue. Certes en droit français – et à juste titre car c’est sa spécificité – l’entreprise se distingue de l’association en ce que c’est une personne morale à but lucratif. Une entreprise est bien là pour gagner de l’argent ou pour faire des économies. Nul ne saurait le contester. Cependant c’est aussi une personne morale. En tant que telle, il me semble donc qu’il y a au moins trois dimensions d’égale valeur en elle : une dimension entrepreneuriale, une dimension humaine et une dimension financière.
Une entreprise est en bonne santé lorsque ces trois pôles s’équilibrent et lorsqu’ils communiquent entre eux. Or cela ne semble plus être le cas aujourd’hui. L’un des trois a écrasé progressivement les deux autres. Et le pire est que cette colonisation a conduit à une autre forme d’envahissement. En effet, il s’est traduit par une colonisation de la société civile par l’entreprise.
Contrairement à ce que les apparences pourraient laisser croire cette colonisation n’est pas la marque d’une force. C’est le signe d’une pathologie et d’une faiblesse. La logique de l’hyper séduction d’un Don Juan dissimule en effet derrière elle la peur terrible de la statue du commandeur qui guette et qui rôde comme le montre merveilleusement le film de Milos Forman, Amadeus.
Cette colonisation masque des ténèbres intérieures qu’elle refuse de voir. On le comprend d’ailleurs car ils ne sont pas aisés à observer et à accepter. Loin de nous l’idée de moraliser une telle situation. Surtout pas de moralisation sur le sujet. Etablissons ici un constat qui implique de voir la réalité telle qu’elle est peut-être et de ne plus se laisser happer par l’illusion de l’apparence (l’appât rance comme dirait Lacan peut-être?).
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