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La place de l’amour dans l’envie d’entreprendre et de faire entreprise autrement

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La place de l’amour dans l’envie d’entreprendre et de faire entreprise autrement

Il peut être curieux de vouloir évoquer l’amour pour un sujet sur l’entreprise. Pourtant, il nous a paru important de le faire ici afin de mettre en évidence le rôle que l’amour peut jouer dans l’envie de créer, d’innover, d’agir autrement au sein de l’entreprise comme créateur ou comme salarié de celle-ci.

L’amour peut s’entendre en deux sens : amour pour un ou plusieurs êtres mais également amour pour un objectif, une chose, un objet. Il signifie ici intérêt, préférence, considération de l’importance de l’être ou de l’objet par rapport à d’autres. Aimer, en effet, ce n’est pas tout à fait préférer mais c’est au moins distinguer.

C’est une banalité de rappeler que celui qui n’aime pas ce qu’il fait le fait mal. Cependant en quoi le fait d’aimer ce que l’on fait ou aimer un être peut nous conduire à agir avec une envie réelle d’entreprendre autrement et d’innover au sein de l’entreprise ?

La vie est changement perpétuel. Le vivant se caractérise par le fait – comme l’écrivait Aristote dans sa Physique – qu’il dispose d’un moteur interne. Ce qui est vivant dispose donc d’une forme d’envie interne qui le pousse vers sa réalisation. Spinoza évoquait à ce sujet un conatus ou une envie de persévérer dans son être. Le vivant n’est donc pas statique. Il est dynamique. Il est poussé à se mouvoir en permanence. Il veut s’élever et grandir. Il veut bouger.

Une entreprise meurt, un couple meurt, une relation quelle qu’elle soit, meurt si elle ne s’adapte pas à cette vie qui se meut. Or lorsque l’on aime on désire que la chose que l’on aime demeure dans cette vie, qu’elle ne s’en écarte pas. De ce fait, l’amour que nous pouvons avoir pour l’objet de l’entreprise nous pousse continuellement à cette adaptation, à ces changements. Si l’entreprise ne m’intéresse pas, si je ne l’ai pas distinguée, si je ne la juge pas importante pourquoi ferais-je le moindre effort pour qu’elle évolue et s’adapte ?

Pour cette raison, la première des qualités que les dirigeants d’entreprise réclament de leurs salariés désormais c’est l’engagement. Comment aimer sans s’engager et comme s’engager si l’on n’accorde pas d’importance à ce que l’on fait. L’envie d’engagement de son salarié permet au dirigeant de mesurer le degré d’implication de celui-ci dans l’objet de l’entreprise.

De même, qu’est ce qui motive l’homme au fond, qu’est ce qui le fait entrer dans la vie ? C’est l’amour pour celle-ci et cet amour de la vie nous vient lorsque nous avons autour de nous des êtres qui nous donnent l’envie de nous dépasser. Manquer d’amour, en un sens, c’est d’ailleurs manquer d’air car l’amour – pour certains – demeure le langage de l’âme et l’âme dans de nombreuses traditions, c’est ce souffle qui nous anime.

De plus, l’amour sous toutes ses formes peut nous conduire à nous élever. L’amour « négatif » peut nous aider à grandir si nous prenons la peine de dépasser la douleur qu’il nous inflige. Ainsi Baudelaire, dans le Spleen de Paris nous conte-t-il l’histoire de ce tireur malheureux qui se trouve dans l’incapacité d’atteindre la cible qu’il vise avec son pistolet. La femme qu’il aime se moque alors de lui. Piqué au vif, il se concentre et touche la cible en son cœur. C’est cet amour négatif que portait cette femme à son encontre qui l’a motivé et poussé à mieux faire.

Mais ce qui nous pousse le plus à agir, c’est l’amour vrai, l’amour sincère entre deux êtres ou l’amour véritable d’un père ou d’une mère pour ses enfants. Pour leur bien-être, pour qu’ils soient fiers de nous, pour leur assurer une sécurité, pour les rendre tout simplement heureux, nous avons envie de nous dépasser et d’innover. Nous sommes dans l’ouverture au nouveau et nous avons envie d’être dans la créativité.

Une tendance masochiste de la Modernité fait passer l’art avant l’amour. Ainsi Pessoa mais aussi Kierkegaard ont-ils volontairement renoncé à l’amour pour créer une œuvre d’art. Cette tradition nous vient de ce mépris du bonheur qui peut subsister au fond de notre culture. L’art et l’envie d’entreprendre ne doivent pas passer avant l’amour.

L’amour est ce qui donne des ailes pour entreprendre et pour innover mais la création ne doit pas passer avant l’amour. Il ne faut jamais oublier que l’entreprise demeure un espace de travail et non le lieu de toute notre vie. Si l’amour est le langage de l’âme, il ne faut pas que l’âme soit étouffée par le corps.

Se donner à une entreprise ce n’est pas se sacrifier pour elle. Il existe une différence notable entre le don et le sacrifice. Certains l’oublient trop parfois si bien qu’ils détruisent leur vie et celle des autres pour un travail, une œuvre ou une entreprise.

L’entreprise reste une création artificielle. Elle ne saurait être un substitut à l’amour. Pourtant combien voyons-nous d’hommes et de femmes – nombreux aujourd’hui – qui font passer leur entreprise, avant leur vie affective ?

Que leur reste-t-il au bout du compte lorsque vient le moment du bilan de leur vie ? A l’inverse certains sacrifient leur vie professionnelle à leur vie affective. Tout ici est donc affaire de juste milieu. Tout est affaire de sagesse et de pondération. L’amour ne doit donc jamais exclure la raison mais l’art et l’entreprise ne doivent pas, non plus demeurer notre seul objet d’amour sinon nous perdons – non pas seulement la tête – mais ce qui fait et constitue notre âme.

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