TRIZ : une méthode d’innovation très créative (malgré les apparences)

Dans le monde de la créativité et de l’innovation, on peut vite se noyerdans les méthodes, les outils, les théories et même un bon nombre de pseudo théories… Alors comment faire le tri ?
Dans ce monde,
- on trouve beaucoup de « magiciens » : ceux qui veulent faire croire qu’ils détiennent des secrets.
- on trouve beaucoup de « logiciens » : ceux qui fondent leur démarche sur le respect scrupuleux d’un processus.
Eh bien, ni magicien ni logicien, je vous propose de continuer notre tour d’horizon des méthodes de conception innovante. Souvenez-vous, nous avons déjà parlé de design thinking, une approche que je pratique dans mon métier. Voici venu le temps de vous parler de TRIZ.
TRIZ, une méthode d’innovation fort créative

Vous l’aviez déjà compris : TRIZ n’est pas une marque de bonbons, mais une méthode de créativité et d’innovation qui a fait ses preuves.
- Son origine? C’est Genrich Altshuller, un ingénieur soviétique, qui développa à partie de 1946 sa « Théorie de Résolution des Problèmes Inventifs ». Ce qui, en russe, donne l’acronyme TRIZ.
- Son intérêt? Elle permet à tous de pratiquer une forme de créativité « guidée », par opposition au brainstorming qui est plus aléatoire. D’ailleurs, pour Altshuller, « La créativité n’est pas un don. Tout ingénieur peut apprendre à être inventif ».
- Sa légitimité? C’est l’étude minutieuse de 40.000 brevets qui a permis de la mettre sur pied. Bref, un vrai truc d’ingénieur 🙂
- Sa grande idée? Les avancées technologiques n’arrivent pas par hasard ! Elles répondent à des lois, qui peuvent être décrites. Il en découle trois conséquences :
1- Les problèmes rencontrés dans la conception d’une innovation se ressemblent fortement d’un domaine à l’autre. Les solutions, elles aussi, sont analogues et peuvent être répliquées.
2- On peut également répliquer des modèles d’évolution technique d’un domaine à l’autre.
3- Pour innover, il est possible d’utiliser des effets scientifiques observés dans des domaines adjacents.

Ce qui me semble très intéressant, c’est que TRIZ est une méthode créative par essence, parce qu’elle nous invite à un détour créatif. Face à un problème de conception innovante, TRIZ consiste à passer d’abord par une phase d’abstraction. Il s’agit de « coder » le problème à résoudre, sous forme de contradictions.
Pour faire cela, on dispose de :
- 39 paramètres techniques, par exemple, la longueur, l’épaisseur, la résistance… qui peuvent entrer en contradiction les uns avec les autres.
- 40 principes d’innovation, qui peuvent résoudre ces contradictions.
- 1 matrice des contradictions qui, à chaque contradiction, fait correspondre les principes d’innovation et donc les solutions génériques qui peuvent fonctionner.
Je vous ai perdu ? Voilà comment ça peut marcher concrètement.
Par exemple on veut réaliser une aile d’avion la plus légère possible ; mais alors si elle est plus légère elle risque d’être moins résistante ; il y a une contradiction entre deux fonctions : le poids et la tenue mécanique. Grâce à la matrice de résolution des contradictions, établie à partir de l’analyse des brevets existants, au croisement « poids – tenue mécanique » on va trouver des pistes de résolution : utiliser des matériaux composites, séparer la pièce en plusieurs parties…
TRIZ est même une méthode de créativité !
Il s’agit certes d’une méthode de créativité guidée, car elle est moins aléatoire que le brainstormingdont nous avons déjà parlé ensemble.
Voici les 4 règles du jeu d’un groupe de travail TRIZ, qui ressemblent beaucoup à celles d’un groupe de créativité :
- la solution ne se trouve jamais en restant dans son domaine de compétences.
- il faut favoriser la pluridisciplinarité.
- il faut éviter les termes techniques et les remplacer par d’autres.
- et respecter les idées farfelues.
Pour lutter contre l’inertie mentale qui nous éloigne de la solution, TRIZ propose des techniques intéressantes…
Entre autres, la méthode des hommes miniatures : on imagine que l’objet étudié est peuplé d’hommes miniatures. On se demande comment ces hommes pourraient agir au sein de l’objet pour atténuer ou supprimer la contradiction technique qu’on a identifiée. Cet exercice force à visualiser le problème et à l’examiner « de l’intérieur »… pour mieux le résoudre.
Une efficacité reconnue + quelques limites?
L’intérêt principal de TRIZ consiste à proposer des modèles de solutions. Elle est largement utilisée en France, dans des industries comme l’aéronautique ou l’automobile. Elle a ses experts reconnus, et 2 ou 3 logiciels permettent de la pratiquer.
Certains esprits chafouins formulent quelques limites au sujet de TRIZ. En voici trois, pour la route :
– La matrice des contradictions date des années 70… et n’a pas été révisée au regard des développement techniques et technologiques ultérieurs.
– TRIZ est une méthode complexe ! Trop complexe, diront certains.
– D’ailleurs, la qualité scientifique du groupe de travail est cruciale : sans quoi, la méthode ne donne rien.
On oppose souvent TRIZ et la « créativité » au sens de la résolution créative de problème. En fait les deux démarches semblent plutôt complémentaires. On pourrait dire que TRIZ exploite prioritairement la connaissance, et la créativité exploite prioritairement l’imagination.
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