D’où viennent les bonnes idées ? Juliette Brun, Diateno, 2019
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Juliette Brun est polytechnicienne, diplômée de l’École des Mines de Paris, chercheuse et consultante en management de l’innovation. Son ouvrage n’est pas un manuel de créativité, mais une présentation des mécanismes du cerveau qui empêchent de générer facilement des idées nouvelles, et des moyens de les surmonter.
Elle rappelle d’abord pertinemment ce qu’est une innovation : une invention qui a trouvé son marché. La bonne idée ne devient innovation que lorsqu’elle a atteint son destinataire, et cela même s’il n’est pas connu à l’avance. Le domaine dans lequel elle se place est celui de la conception d’objets innovants (« objets innovants non identifiés »), objet étant pris au sens le plus large : produit, service, processus, méthode, programme, …. Et trouver une idée nouvelle est une mission délicate ! Le cerveau est entraîné à opérer des choix entre des objets connus, et il ne sait pas trop par où commencer pour explorer l’inconnu.
Le principal obstacle à la créativité est la fixation (ou fixation fonctionnelle) : au fur et à mesure de ses expériences notre cerveau met en place des automatismes de pensée afin d’effectuer plus rapidement certaines opérations mentales. Très utile dans la vie quotidienne, ce mécanisme bloque la créativité.
Pour le surmonter, Juliette Brun fait appel à la théorie C-K, développée à l’École des Mines de Paris, qui repose sur un dialogue permanent entre l’inconnu, les idées (C=Concept) et le connu, les connaissances (K=Knowledge). Elle recommande que ce dialogue s’inscrive dans un processus à 3 temps inspiré d’IDEO : situer, explorer, expérimenter, et propose un outil : la carte Idées/Connaissances, où les idées sont représentées sous forme arborescente et les connaissances en vrac. A partir d’une formulation exprimant l’inconnu (« Imaginer un bateau volant »), on remplit progressivement cette carte Idées/ Connaissances.
Et qu’en est-il de la génération collective d’idées en Brainstorming ? Juliette Brun en rappelle d’abord les avantages (susciter l’adhésion, partager la vision) mais fait référence à une étude allemande prouvant que les idées produites par un groupe sont moins créatives que celles produites par des individus seuls. Ceci s’explique par deux phénomènes : l’effet de conformisme, qui correspond à la tendance à adopter les idées d’autrui afin d’éviter la confrontation, et la paresse sociale qui fait que plus il y a d’individus dans un groupe, moins chacun se sent responsable des résultats. Elle ajoute aussi l’effet des jugements négatifs. Parmi ses recommandations : éviter les groupes importants, prévenir les jugements négatifs, utiliser la méthode des 6 chapeaux de De Bono. Elle recommande de travailler en atelier, avec une préparation de la carte Idées/Connaissances et un déroulement en deux phases : partage des connaissances qui aboutit à des thématiques qu’elle appelle « concepts projeteurs », et génération d’idées. Enfin pour favoriser la créativité, elle recommande de faire jouer l’imaginaire, par exemple grâce aux personnages emblématiques (« que feraient Agatha Christie, Oncle Picsou, Maître Yoda, … ? ») et à la projection dans le futur (« imaginer d’abord la ville du futur avant d’imaginer une voiture innovante »).
Elle termine en évoquant les objets générateurs d’idées qui incitent les destinataires à co-créer, et insiste sur la place de l’émotion dans l’innovation, au rebours d’une conception trop rationnelle.
Un ouvrage facile à lire, illustré de nombreux exemples, avec un lexique très bien fait. Pas de révélations, nous y retrouvons certaines de nos pratiques, et il est intéressant de voir qu’elles reposent sur des mécanismes de fonctionnement du cerveau identifiés. Et il y a une présentation claire de la théorie C-K qui incite à l’essayer.
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