La simplexité : pour une communication efficace et créative

Que tous ceux qui ont le sentiment que la marche du monde leur échappe lèvent le doigt (faites-le discrètement, devant votre écran). 

Si vous avez levé le doigt, je vous rassure : c’est un sentiment assez généralisé. D’ailleurs à la fin de la guerre froide, les militaires américains (qui sont des gens très créatifs et qui ont levé le doigt bien avant nous) ont choisi l’acronyme « VUCA » pour décrire ce phénomène. 

VUCA, c’est un monde devenu volatile, incertain, complexe et ambigu.

Et là ça m’intéresse ! Comment rendre ce monde complexe plus simple à comprendre ? Comment la créativité peut-elle nous aider à communiquer autrement des choses complexes ?

1. La simplexité, pourquoi ?

« SIMPLEXITE » : voilà un beau néologisme. C’est « l’art de rendre simple, lisible, compréhensible les choses complexes » – Alain Berthoz, 2009. Ce concept me semble bien utile* pour communiquer au 21ème siècle.

• Parce que notre environnement est saturé de messages…

Chaque jour, ce sont plus de 5000 messages commerciaux qui nous assaillent. Bien sûr, nous ne pouvons accorder qu’un temps infime à chacun d’entre eux. Ainsi, pour être remarqué, il est devenu crucial de communiquer autrement. 

Les fameux « casseurs de pub » diront même que ces messages polluent nos paysages et nos esprits. Sans entrer ici dans le débat de société, il faut quand même dire que la résistance des consommateurs aux messages publicitaires est un phénomène observé, mesuré… Dominique Roux, une chercheuse française, a beaucoup travaillé sur ces sujets. 

• Parce que tout est devenu plus complexe… 

Le monde est de moins en moins facile à comprendre. De moins en moins prévisible aussi. Sur un problème donné, les facteurs explicatifs sont plus nombreux que par le passé, et les liens de cause-à-effet sont devenus moins forts. La vie politique récente ne nous en donnerait-elle pas un fameux exemple ?

2. « Simplexifier » un message : un processus en 2 temps

Action 1 : déconstruire la complexité

Il est possible de casser les problèmes en sous-problèmes, de trier et de prioriser les enjeux… La pratique du bon brief permet cela. Tout devient alors plus facile à comprendre, et (souvent) plus facile à expliquer. 

Action 2 : communiquer plus efficacement

Pour cela, il faut veiller à la simplicité de vos messages. Souvent, moins on en dit, plus c’est efficace. Et parfois, une belle métaphore vaut mieux qu’une longue explication… Attention, tout cela ne se fait pas sans effort. Voici une belle citation de l’auteur britannique Mark Twain qui m’a été soufflée par Vanessa Mayneris : “I didn’t have time to write a short letter, so I wrote a long one instead.”

3. Quelques outils concrets et utiles pour simplexifier

Voici un recueil de quelques outils que j’affectionne particulièrement. Ils reposent sur l’usage des mots et des visuels. 

LES MOTS : racontez l’essentiel

• pratiquez le pitch, ou elevator pitch, qui consiste à vendre un concept en 1 min. Pourquoi un temps si court ? C’est concrètement le temps dont on dispose pour convaincre son big boss lors d’un voyage en ascenseur. 
• regardez des vidéos Ma thèse en 180 secondes, ces rencontres sympathiques où les doctorants racontent des années de recherches en 3 minutes. 
• j’aime aussi le pecha kucha = un format de présentation en 6 minutes 20. Idéal pour rendre accessible un savoir parfois ur un sujet, l’orateur peut montrer 20 diapositives et s’exprimer 20 secondes par diapo, mais pas une de plus… Be brief, Be bright, Be gone !

LES VISUELS : donnez à voir. 

• la visualisation graphique de donnée (data visualization) est bien utile pour passer des messages autour de données multiples et complexes
• Le mind mapping et le sketchnoting sont 2 outils puissants pour communiquer autrement. Merci à Philippe Boukobza pour ses formations passionnantes à ce savoir-faire qui change la vie.

4. Et pour finir, un exemple très onctueux…

Le rayon frais d’un supermarché est un environnement complexe : de nombreuses marques, des types de produits très différents, des couleurs très variées… Quelle difficulté pour s’y repérer !

Pour une marque de fromages blancs magnifique, nous avons simplifié notre packaging. Résultat : un meilleur impact, un message mieux communiqué et… des ventes en progression, bien sûr !

Mais attention… à trop vouloir restituer simplement ce qui est complexe, le risque existe de se couper du réel et de ses subtilités. Et à terme, d’appauvrir le réel ?

Une communication authentique et ouverte, basée sur l’échange plutôt qu’une communication à une seule direction, semble un bon garde-fou.

Un grand merci à Lisa Marie DIOULY OSSO de m’avoir suggéré ce joli sujet. 

*Alain Berthoz a d’abord nourri le concept de simplexité d’exemples issus d’univers technologiques comme les smartphones, les logiciels… en soulignant le rôle de l’interface pour « simplexifier ». Dans cet article, nous avons pris le parti d’explorer le concept dans l’univers plus large de la communication.