Agir contre le gaspillage alimentaire : Un défi essentiel pour notre société
Le gaspillage alimentaire représente un enjeu majeur dans nos sociétés modernes tant sur le plan économique que social et environnemental. Marie Mourad, sociologue spécialisée dans la réduction du gaspillage et l’alimentation durable, a consacré les douze dernières années à explorer et documenter les solutions pour diminuer ce gaspillage en France et aux États-Unis. Son intérêt pour ce sujet a été éveillé par une expérience choquante : la découverte de la quantité de produits parfaitement consommables jetés et récupérés dans les poubelles. Cette révélation l’a poussée à s’engager profondément dans la lutte contre ce problème crucial qui continue de sévir malgré les nombreuses initiatives mises en place pour y remédier.
Les chiffres alarmants du gaspillage alimentaire
En France, près de neuf millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année, soit environ 140 kilogrammes par habitant. Dans cette moyenne de 140 kg par habitant, 60 kg sont gaspillés par les ménages eux-mêmes. Ces chiffres, bien qu’alarmants, sont souvent sous-estimés car ils ne prennent pas en compte les pertes survenant avant et pendant la récolte, ou encore les aliments valorisés en alimentation animale. La méthodologie européenne utilisée pour ces calculs présente des biais qui peuvent influencer les résultats, offrant tout de même une idée de l’ampleur du problème.
Politiques publiques et réglementations en France
Depuis 2012, la France a mis en place plusieurs initiatives et lois pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Le Pacte National contre le Gaspillage Alimentaire, initié en 2012, a marqué le début d’un effort collectif sans précédent. Ce pacte a conduit à l’adoption de la Loi Garot en 2016, qui a instauré une hiérarchie d’actions pour gérer les excédents alimentaires, obligeant notamment les supermarchés à donner leurs invendus et interdisant la destruction d’aliments encore consommables. La France est ainsi devenue le premier pays à adopter une loi spécifique sur le gaspillage alimentaire d’ampleur nationale. Par la suite, ces efforts ont été renforcés par la Loi EGAlim et la Loi AGEC, étendant les obligations à d’autres secteurs comme la restauration collective, l’industrie et les marchés de gros, avec l’objectif ambitieux de réduire de cinquante pour cent le gaspillage alimentaire.
Redistribution : Une solution limitée
La redistribution des excédents alimentaires à des associations de solidarité alimentaire, souvent vue comme une solution idéale, révèle ses limites. D’une part, la redistribution génère des impacts conséquents en termes de transport et d’emballage des produits. D’autre part, en pratique, environ quinze à vingt pour cent des produits donnés sont finalement jetés par les associations car ils ne sont pas adaptés en termes de qualité gustative et nutritionnelle. Or les donateurs tels que les grandes surfaces et les industriels bénéficient d’incitations fiscales importantes en France, récupérant jusqu’à soixante pour cent de la valeur des produits donnés, y compris lorsque ceux-ci sont jetés. Cela crée une forme de remarchandisation des dons au détriment de la prévention. Finalement, la redistribution, bien qu’indispensable à l’heure actuelle, n’est ni une solution idéale face au problème du gaspillage, ni une solution suffisante en termes d’accès équitable à l’alimentation.
De nouvelles solutions pour les excédents alimentaires
De nombreuses innovations et initiatives ont vu le jour pour mieux gérer les excédents alimentaires. Des applications comme Too Good To Go et Phenix facilitent la vente des excédents à prix réduit ou leur redistribution à des associations, pendant que d’autres, comme HopHopFood, facilitent leur don à des particuliers pour lutter contre la précarité alimentaire. Des initiatives montrent aussi qu’il est possible de transformer des sous-produits alimentaires qui étaient autrefois considérés comme des déchets en ressources précieuses. Par exemple, des drêches issues de la fabrication de la bière peuvent être réutilisées pour fabriquer des biscuits, ou des bières peuvent être produites à partir d’excédents de boulangerie, illustrant un cycle vertueux de réutilisation. La méthanisation et le compostage gagnent aussi en popularité, au risque parfois de freiner les efforts de redistribution et de prévention des excédents.
Éducation et sensibilisation
L’éducation et la sensibilisation jouent un rôle clé dans cette lutte. Des associations comme Excellents excédents et Aux goûts du jour travaillent dans les cantines scolaires ou d’entreprise pour développer la qualité gustative des aliments et éduquer les jeunes comme les adultes à bien manger tout en luttant contre le gaspillage. Ces initiatives éducatives visent à inculquer une conscience accrue de l’importance de la lutte contre le gaspillage alimentaire et de la valeur des ressources alimentaires.
Enjeux systémiques et perspectives
Il est essentiel de s’attaquer aux causes systémiques du gaspillage alimentaire. Cela passe par des relations plus équilibrées entre producteurs et distributeurs pour éviter les excédents inutiles et par le développement de systèmes alimentaires locaux et équitables, réduisant les intermédiaires et générant ainsi moins de gaspillage. Des initiatives comme la sécurité sociale de l’alimentation et le droit à l’alimentation remettent en question le modèle actuel de l’aide alimentaire souvent basé sur les surplus. Il s’agit de promouvoir un accès plus équitable à l’alimentation, pour se détacher d’un système de secours (aujourd’hui indispensable) de qualité moindre.
Conclusion et recommandation de lecture
Pour ceux qui souhaitent approfondir leur compréhension de ce sujet, vous pouvez vous procurer le livre « De la poubelle à l’assiette : contre le gaspillage alimentaire » par Marie Mourad, publié aux éditions L’Harmattan. Ce livre offre une analyse détaillée des dix dernières années de lutte contre le gaspillage alimentaire en France et aux États-Unis, explorant les politiques mises en place, les initiatives innovantes et les défis persistants.
Ensemble, nous pouvons créer un système alimentaire plus juste, équitable et durable. Continuons à innover, à éduquer et à sensibiliser pour réduire le gaspillage alimentaire à la source. Vos partages et vos idées sont essentiels pour avancer sur ce chemin. 🌱
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