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L’obésité, entre biologie et sociologie

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L’obésité, entre biologie et sociologie

L’obésité n’est pas une maladie ordinaire mais un cercle vicieux où se mêlent le biologique mais aussi le sociologique.

Comprendre l’obésité : Génétique et sensibilité environnementale

D’un point de vue biologique, on a tendance à croire que l’augmentation de l’obésité observée dans le monde est uniquement due à nos régimes alimentaires modernes associés à une vie sédentaire. Cependant, les nouvelles données scientifiques nous montrent que de nombreux facteurs biologiques sont impliqués. Il n’y a pas une, mais des obésités. De nombreux gènes entrent en jeu, ce qui explique l’extrême complexité de l’obésité. L’obésité classique (ou commune) est en fait une sensibilité particulière à l’environnement que donnent des centaines de variants de gènes. Avec cette sensibilité génétique (susceptibilité), vous allez développer une obésité si vous êtes dans un environnement que va la favoriser. Mais avec le même bagage génétique, si l’environnement est différent, l’obésité n’apparaîtra pas ou restera contenue.

Au-delà de la biologie : Cognition et comportement dans l’obésité

A cela s’ajoutent des facteurs cognitifs et de personnalité. Comme par exemple, les personnes qui limitent volontairement leur consommation pour réguler leur poids, mais aussi la capacité d’évaluer les portions qui nous sont nécessaires en fonction de nos besoins qui peuvent être variables d’un jour à un autre en fonction de notre activité physique notamment.

Ainsi, l’obésité commune est due à des degrés de susceptibilité qui s’expriment à travers des centaines de gènes et une composante environnementale très importante. En fait, les personnes obèses ont une marge de manœuvre extrêmement limitée qui est fonction de leurs facteurs génétiques, physiologiques et cognitifs ainsi que de l’environnement dans lequel elles vivent.  Une fois que l’obésité est installée, il est très difficile de la soigner, la stabiliser est déjà en soi un objectif important.

Les dimensions sociales de l’obésité : Inégalités et stigmatisation

L’obésité est entretenue par des facteurs sociologiques. La prévalence de l’obésité chez les personnes en situation de précarité est de 8 % tandis qu’elle est de 14 % chez les personnes dont la vie est en train de se dégrader. Parmi les personnes peu ou pas diplômées, 14,3 % sont obèses et 33,5 % en surpoids, contre 5 % d’obèses et 19 % en surpoids chez les personnes diplômées.  

Ainsi, on peut constater que l’obésité est socialement répartie, avec des taux faibles en haut de l’échelle sociale et des taux plus élevés dans les classes populaires. Cela s’explique par des normes alimentaires qui sont différentes entre les classes aisées et les classes populaires qui continuent de valoriser ce qui tient au corps et l’abondance de nourriture.

Le cercle vicieux de l’obésité : Discrimination et isolement

Mais les personnes obèses subissent des discriminations qui les enferment dans un véritable cercle vicieux. Une personne obèse, parce qu’elle est grosse dans notre société qui valorise la minceur, est considérée comme « déviante » selon nos normes sociales. Les qualités de la personne passent au second plan. Un obèse devient un « gros » sans autre qualité, il est réduit à cette étiquette qui justifie ensuite à elle seule une série de discriminations sociale. Ainsi, une personne obèse :

  • accède moins facilement à l’université,
  • a un parcours scolaire plus difficile,
  • des difficultés à obtenir des entretiens d’embauche,
  • est discriminée au travail, etc. 

L’obésité devient le reflet des qualités morales d’un individu.

« Il est comme ça parce qu’il mange trop et s’il mange trop, c’est qu’il ne se contrôle pas. S’il ne se contrôle pas, peut-on lui faire confiance ? »

Un véritable cercle vicieux s’enclenche quand le stigmatisé trouve normal le jugement porté sur lui et l’accepte. Ce qui entraîne une dépréciation de soi qui conduit à considérer comme légitime les traitements discriminatoires dont il fait l’objet. Cela conduit l’obèse à limiter les interactions sociales, à manger seul et limiter son activité physique… Bref, cette situation aggrave son état de santé physique et dégrade sa santé mentale et sa qualité de vie.

Repenser les politiques de santé publique : Personnalisation et prévention

Ainsi en partant d’une biologie défavorable renforcée par l’environnement sociologique, l’obésité devient alors une situation pathologique médicale et sociale qui s’auto-entretient. Suite à ce constat, comment faire évoluer les politiques de santé publique vers plus d’efficacité ? Jusqu’à présent, les messages de prévention ont largement ciblé l’individu, le rendant responsable de son comportement et des conséquences associées. Or l’on sait maintenant que ce n’est pas si simple aussi bien d’un point de vue biologique et sociologique.

Stratégies de prévention ciblée : De l’éducation alimentaire à la lutte contre la sédentarité

Il devient urgent de se concentrer sur la prise en charge des personnes obèses qui doit être adaptée à chaque cas de figure, puisqu’il n’y a pas une mais des obésités avec des situations sociales contrastées. Et dans le champ de la prévention, il faut cibler les populations à risque et arrêter de faire des campagnes de communication pour la population population générale qui sont entendues par les personnes qui en ont le moins besoin. Il faut focaliser les moyens pour cibler et adapter la prévention aux populations qui en ont besoin comme les classes populaires et les personnes en phase de précarisation.

Enfin, en termes de prévention, il faut absolument se préoccuper des enfants en priorité en organisant une éducation alimentaire et non pas nutritionnelle à l’école et ailleurs, le temps périscolaire est ainsi une opportunité intéressante. Mais, il ne faut pas oublier la lutte contre la sédentarité qui fait le lit de l’obésité. Cela doit devenir un réel projet de société. Favoriser les mobilités actives comme le vélo, la marche etc. chez les enfants est bon pour leur santé, mais aussi bon pour l’environnement. Nous pouvons tous y contribuer car il ne faut jamais oublier que nos actes sont des modèles pour nos enfants.

Lien vers un article de Julien Hernandez (Polytechnique insights) qui interview le professeur Karine Clément, grande spécialiste de l’obésité et Jean-Pierre Poulain, sociologue qui est à l’origine des travaux sur la répartition sociale de l’obésité

A lire aussi le livre de Jean-Pierre Poulain : Sociologie de l’obésité aux éditions PUF

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