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Comment expliquer que les pays dirigés par des femmes aient globalement mieux géré la pandémie COVID-19 ?

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Comment expliquer que les pays dirigés par des femmes aient globalement mieux géré la pandémie COVID-19 ?

Chez Altermakers, nous avons été surpris par un article de Forbes du 13 avril 2020. Le journaliste soutient en effet que les femmes gèrent mieux la pandémie de Covid-19 dans les pays qu’elles dirigent. Il l’explique par leur nature, qui les pousserait plus vers les politiques du « care », l’empathie et la prudence. Quelques membres du collectif ont voulu creuser cette question, aller plus loin.

Les femmes sont-elles vraiment plus aptes à gérer une pandémie ?
Ou bien, comme nous en faisions l’hypothèse avant de commencer notre recherche, existe-t-il des conditions communes à l’accession des femmes au pouvoir, d’une part, et à la bonne gestion d’une pandémie, d’autre part ?

Comment les femmes arrivent-elles au pouvoir dans le secteur public ?

Les pays gouvernés par des femmes réunissent un ensemble de conditions communes, dont on verra plus tard qu’elles ont souvent été nécessaires à une bonne gestion du Covid-19. Inclure les femmes en politique suit un processus complexe, car leur exclusion de celle-ci en est un élément constitutif (lire Habermas). Pour cela l’État se doit d’être fort et engagé dans la promotion de la parité. Il peut se servir d’instruments législatifs : les quotas paritaires. On les retrouve dans les assemblées mais aussi dans les conseils d’administration des grandes entreprises. L’expérience montre que les quotas, quand ils sont appliqués avec des sanctions, sont extrêmement efficaces.

Les services de l’Etat s’engagent aussi au quotidien dans l’éducation des enfants mais aussi par le biais des prestations sociales de l’État-providence. Celui-ci, on va le voir, est aussi une des conditions principales de la bonne gestion du Covid-19.

Les pays scandinaves, avec leur culture de l’égalité et leurs instances démocratiques ont pris en compte ces revendications féministes depuis bien longtemps ! La Norvège par exemple a agi sur le plan législatif très tôt : le droit de vote des femmes a été accordé dès 1913, et l’État promeut de façon active la féminisation des sphères du pouvoir, grâce à des quotas obligatoires et ambitieux. Les institutions du pays jouent aussi un rôle sur le plan culturel, avec la mise en place de campagnes de sensibilisation télévisuelles où l’on voit par exemple les hommes pratiquer du cheerleading (une activité, souvent très féminine, où une équipe sportive est encouragée par des danseurs).

Ces pays ont donc vu se développer une culture de l’égalité et prennent en compte les profils de tous les horizons. Les relations entre l’État et les citoyens sont donc basées sur la confiance. On va voir que ces éléments sont décisifs pour sortir la tête haute de la crise du Covid-19. Mais allons voir ce qu’il se passe à l’intérieur d’une société paritaire, dans le monde de l’entreprise.

Et que se passe-t-il dans le monde de l’entreprise ?

L’accès des femmes au pouvoir est aussi largement conditionné par l’État-providence. Celui-ci permet une prise en charge des enfants, au service de l’émancipation des femmes. On a par exemple vu en Norvège la mise en place de congés de paternité obligatoires et d’un vaste programme de construction de crèches.

On sait également que les organisations qui ont traversé des crises sont plus promptes à porter des femmes au pouvoir, la compétition étant moins forte dans ce cas (la compétition entre hommes mais aussi, bien sûr, entre les hommes et les femmes).

Enfin des éléments de culture entrent en compte. D’abord un capitalisme soft voit les hommes moins écraser leurs collègues féminines. Il faut ensuite considérer l’importance d’une culture d’inspiration « écologiste » dans certains pays, où le collectif prime, avec une forte inclusivité et un accent mis sur la créativité et le pragmatisme. Cela va être un atout énorme pour garder la tête froide et prendre les bonnes décisions quand le virus frappera.

Lorsque la vie personnelle est mise en valeur par rapport à la vie professionnelle, comme dans les pays scandinaves, on voit aussi une augmentation de la parité.

Selon Equileap, L’Oréal est l’entreprise la plus paritaire du monde. Les femmes de l’entreprise ont accès aux mêmes promotions et aux mêmes fonctions que les hommes, et les inégalités salariales sont inexistantes.

Maintenant que nous venons de voir les conditions de la réussite des femmes dans une société (dans le secteur public et dans le secteur privé) nous allons les mettre en rapport avec celles qui ont permis à certains pays de bien gérer la pandémie.

Quelles sont les conditions de succès dans la gestion de la pandémie de COVID-19 ?

Nous avons d’abord dégagé deux types de réponses efficaces face au Covid-19.

La première est autoritaire. Elle concerne souvent des États aux PIB et aux IDH moins élevés, avec des systèmes politiques plus autoritaires, où la liberté d’expression est limitée. Ce sont des sociétés plus patriarcales, et la confiance entre les citoyens et le gouvernement y est souvent plus faible. Ces pays ont mis en place des confinements stricts, généralisés et longs. Ceux-ci ont souvent été accompagnés d’une surveillance policière accrue et parfois de traçage numérique.

On peut par exemple citer l’exemple roumain. Le pays qui a une expérience démocratique récente et chancelante a imposé un confinement strict avant même que le premier décès ne soit enregistré. Seulement 7% des roumains pensent qu’ils « peuvent avoir confiance en la plupart des gens » (World Values Survey), et le pays se caractérise par un PIB par habitant plus faible, un taux de criminalité plus élevé, et des infrastructures hospitalières mal équipées. On voit que ces sociétés peu inclusives ont dû réagir d’une façon plus brutale.

La deuxième réponse est plus souple, et se trouve souvent dans les pays qui portent des femmes au pouvoir. Elle a été apportée surtout dans des pays démocratiques, avec des IDH et PIB élevés. Leurs citoyens bénéficient d’une couverture sociale assurée par l’État-providence, et leurs institutions sont représentatives et transparentes, on l’a vu pour les pays Scandinaves.

Certains de ces pays ont également déjà vécu des crises similaires (on peut penser au SRAS pour la Corée du Sud). Ces sociétés sont souvent plus égalitaires, et une confiance forte règne entre les citoyens et leur gouvernement. Elles présentent une plus grande adaptabilité au changement, une plus grande résilience.

Cette réponse souple s’est caractérisée par un appel au civisme, des règles de distanciation sociale plus souples, et des confinements localisés et temporaires. On peut citer l’exemple de la Corée du Sud qui a eu recours à des mesures ciblés (uniquement Daegu par exemple), ou des Pays-Bas qui ont invité et non contraint la population à rester chez elle.

Pour conclure par rapport à l’article de Forbes.

L’article de Forbes Pour conclure par rapport à l’article de Forbes.montre bien une corrélation positive entre une femme au pouvoir et une gestion efficiente de la crise. Il se trompe, selon nous, en y voyant un lien de causalité direct.

Ce n’est pas la nature de la femme qui lui permet de surmonter le Covid-19. Au contraire, une femme au pouvoir est le signe d’une société qui réunit les conditions d’une réponse souple. En effet ces États sont plus instruits, démocratiques et ont une pluralité d’individus au sein du pouvoir, ce qui permet à ces nouveaux leaders de confronter toutes les visions et d’en tirer le meilleur. Leur culture est moins imprégnée par des stéréotypes de genre, favorisant la prudence, l’inclusivité, la transparence et l’humilité.

Les dirigeantes féminines ont aussi un coût politique moindre à prendre des décisions prudentes, puisqu’elles n’ont pas à dépasser le biais du genre masculin (virilité, force, domination), qui se doit de montrer toujours l’image d’un homme fort. Un Trump niant le virus et refusant le confinement flatte son électorat. Au contraire, une Jacinda Ardern exprimant son inquiétude en live Facebook et déclarant un confinement strict n’a pas atteint son image politique.

Ainsi les pays gouvernés par des femmes ont-ils en effet mieux répondu à la pandémie. Nous venons de montrer que les conditions qui permettent à une femme d’arriver au pouvoir au sein de l’Etat et en entreprise permettent aussi à un pays de mieux gérer une pandémie. Ces États sont aussi plus stables, et surtout sont mieux préparés aux prochaines crises.

Avons-nous découvert avec la crise du Covid-19 un nouveau type de leadership, plus inclusif et diversifié ?

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